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S’il était heureux :

— Je n’ai pas d’espérance, dit le fakir.

Gualtero réfléchit longtemps avant de reprendre sa route. Elle le mena vers un village à l’entrée duquel se tenait accroupi un vieux bickous qui mendiait. Gualtero s’assit auprès de lui et, poussé par un impérieux besoin de parler, fit le récit de toutes ses aventures, depuis son départ des Indes, au temps de la jeunesse, jusqu’à la rencontre du fakir. Le bickous écouta sans interrompre, avec cette patience des vieillards dont le temps n’est plus guère précieux. Et le soleil était déjà bas sur l’horizon lorsque le philosophe se tut enfin, n’ayant plus rien à dire. Alors le vieux sortit précautionneusement du sac de toile qui pendait à sa ceinture une roupie :

— Ta vie, dit-il, ressemble à cette roupie : elle a deux faces. L’une d’elles représente l’idéal de ton esprit, l’autre les réalités quotidiennes. Or, ce qui est d’un côté ne se trouve pas de l’autre, et il en est ainsi de nos existences à tous : elles ont un envers et un endroit. Toi, tu n’as regardé que l’une des deux faces et tu as oublié l’autre.