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Gualtero sentit monter dans toute son exiguë personne une énorme colère. Il regarda fixement le patron pendant une seconde ou deux, comme s’il allait se passer quelque chose de terrible. Puis il lui sembla entendre une petite voix grêle qui criait dans son cerveau : « Hé, philosophe ! philosophe ! » Il détourna les yeux, aperçut par la fenêtre un cheval de fiacre boiteux qui traînait sa voiture pleine et chargée de malles… Alors, il releva la tête et dit simplement : « C’est bien, je m’en irai ! »

Après, ce fut le commencement de la misère. Il coupa sa chevelure, réunit ses économies, acheta des marchandises et se fit colporteur. Il alla de boutique en boutique, offrant ce qu’il avait dans son carton : des feux de bengale, des cartes postales illustrées, du papier d’Arménie et des petites vues de Paris serties dans des manches de plumes. Toujours il emportait ses livres, qui bourraient démesurément les poches de ses vêtements. Il les montrait à ses rares acheteurs comme la preuve tangible de son savoir et, aux meilleurs clients, il exhibait sa natte, enroulée dans un papier