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d’argent. Il acheta une grammaire, perfectionna son savoir.

Ce fut, en somme, l’une des calmes époques de sa vie. Mais son cher rêve d’apostolat le tenait toujours et il recommença d’y songer avec fièvre. Il se consacra d’abord à son ami Boum-Dié, le nègre, dont il entreprit l’éducation philosophique. Boum-Dié se tordait de rire, à son habitude : « Tu es fou, mon pauvre Gualtero, avec ton vieux « Piquetête » ; moi, je crois aux bonnes pièces de cinq francs et à ma petite amie Lisette, et c’est assez pour pauvre Boum-Dié. »

Le philosophe se rejeta sur les clients. Quelques-uns l’écoutaient en buvant leur bock de bière, puis, les plus polis esquissaient un geste d’ennui ; les autres l’envoyaient au diable. Le patron, plusieurs fois, le rappela sévèrement à l’ordre. Il rêva d’entreprises vastes, de sociétés de philosophes, de réunions populaires. Ses livres étaient tellement annotés sur les marges, entre les lignes, sur les feuilles de garde, qu’il avait peine à y retrouver quoi que ce fût. Ils ne lui en semblaient que plus précieux et véné-