Page:Pourtalès - Deux Contes de fées pour les grandes personnes.djvu/24

Cette page a été validée par deux contributeurs.

et fit emplette d’un fichu brodé. Elle l’accepta d’une petite main rapide et froide tout en disant : « tu es plus laid encore que je ne pensais avec ta tresse de femme, et tu sens mauvais le poisson ». Cela le fit sourire, et puis songer, et puis pleurer.

Comme il y avait pas mal de temps qu’il vivait à Lisbonne, il décida de se remettre en route et choisit Londres pour but de son voyage. Un navire le reprit, tout semblable à celui qui l’avait amené. Il retrouva l’entrepont, les émigrants et les gens de là-bas qui portent dans leurs vêtements des odeurs de santal. Ensemble ils rirent, se contèrent leur histoire, et Gualtero les instruisit des choses de l’esprit. Eux, assis sur leurs talons, l’écoutaient avec déférence comme ils eussent écouté un de leurs innombrables moines-mendiants. Mais souvent, sous le froid ciel gris vers lequel ils allaient, le philosophe-errant sentait son cœur s’alourdir. Ses souvenirs retournaient vers la petite Espagnole qui élevait si gentiment ses bras nus dans le soleil et il eut désiré de les revoir s’arrondir sur sa tête comme les anses d’un vase. Alors il cherchait dans ses