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nous rendîmes sur les lieux de l’accident et je me souviens parfaitement la haute stature de M.  Dove, qui était alors naturellement encore fort jeune, et de cet autre détail bien typique que tous les ouvriers, les simples terrassiers étaient Anglais et ne parlaient qu’en anglais. Du reste les Anglais eux-mêmes n’étaient qu’au début de cette science des chemins de fer, car je me souviens parfaitement que nous allâmes pendant trois après-midi assister aux travaux de remise sur pied des wagons et de réfection de la voie légèrement détériorée, en tranchée, alors qu’aujourd’hui on fait de semblables travaux à la suite d’un modeste déraillement en moins d’une demi-journée.

Comme dès mon plus jeune âge je m’intéressais déjà vivement à tout ce qui touchait au monde économique, je demandai à mon père pourquoi il n’y avait que des Anglais et pourquoi il n’y avait pas déjà des Français.

Ça m’humiliait un peu pour mon pays, et mon père me répondit qu’il s’agissait d’une entreprise relativement récente et qu’il fallait laisser le temps aux Français d’apprendre une industrie nouvelle, et de fait, ils n’ont pas été longs à la connaître et à la perfectionner rapidement, car, à peine quelques années plus tard, s’il y avait encore quelques Anglais, d’ailleurs fort distingués, à la direction des Chemins de fer de l’Ouest, il n’y en avait plus du tout dans le personnel qui était essentiellement français. C’est ce qui devait se passer cinquante ans plus tard pour les téléphones.