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Vite, un coup d’écumoire sur cette mousse superbe et géniale qui est comme le champagne joyeux de l’humanité en rut !… et voilà comment parfois la grande Sibérie et la petite Sibérie étaient pleines ; les prisonniers regardaient, toujours confiants, l’azur du ciel et les argousins continuaient leur sale et lâche besognes : pauvres souverains ! Comme tous les penseurs et les grands cœurs qui ont séjourné ici, ont dû vous prendre en pitié !…

Cette fois le poêle est dans le coin ; je mets ici cette note terre à terre intentionnellement pour calmer ma juste rancœur et je continue.

Sur les murs et surtout dans l’embrasure des fenêtres, comme au-dessous, voici encore des noms qui se pressent en foule, serrés, souvent à demi-effacés par le temps : Maës, Filliâtre, Constant Arnould, 17 septembre 1856 — 6 mars 1858, Chausse, Claude Michu 1868, un de mes vieux collègues des Gens de lettres, bien ratatiné aujourd’hui et dont on a fait un fonctionnaire, je crois ; mais à cette époque lointaine il se faisait photographier de profil, sur les deux faces tour à tour, parce qu’il prétendait avoir une joue bien plus belle que l’autre ! 1868,  évocation lointaine ; j’étais bien jeune alors et maintenant Claude Michu est un vieillard très falot : ainsi va le monde ; puis enfin Holtz et bien d’autres que je passe.

Dans la grande Sibérie, à droite, je retrouve cinq fenêtres, trois sur la rue du Puits-de-l’Ermite et deux sur la cour du personnel. Plus que jamais la vue sur Paris est superbe et inspiratrice dans ce