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L’un d’eux portait sur la poitrine un portrait du président Krüger, avec, au-dessous cette inscription « Quand le coq chantera, Lambert travaillera ».

Un autre avait représenté sur son ventre la guillotine, surmontée d’une pensée, avec cette inscription « À ma mère ».

Un autre, une tête de femme « Titine, souvenir de 1900 ».

Un autre, enfin, au-dessous d’un bouquet de fleurs tenu par une main, avait écrit « Enfant du malheur ».

Mais tout cela ce n’est rien encore et si l’on veut vraiment poursuivre une étude tout à la fois médicale, pathologique, sociologique et philosophique sur la façon dont se tatoue et se rase certaines parties du corps ce monde si spécialement dégradé des deux sexes, c’est à l’hôpital de Lourcine qu’il faut aller et alors on a malgré soi, quelque habitué que l’on soit à sonder les plaies et les misères de l’humanité, la sensation de vertige d’un homme qui est penché sur le plus effroyable des gouffres.

Il arrive là tous les jours des gamines de quinze ans et même moins, filles perdues avant d’être femmes, couvertes de tatouages tout à la fois cyniques et naïfs, placés dans les endroits les plus inattendus, imposés presque toujours par leur homme et qui prouve non pas seulement une mentalité, mais un retour à la bestialité ancestrale qui vous donne le frisson…

Oui, ces malheureuses fillettes, oui ces enfants