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qui ont été le point de départ de ce travail, qui demanderait de si longs développements pour être complet, ou à peu près, et donner aussi un souvenir personnel qui me paraît intéressant également à cause du problème qu’il soulève et des qualités particulières aux animaux, qu’il met bien en relief.

J’allais un matin en diligence de Saint-Brieuc à Carhaix, au cœur de la presqu’île bretonne, avant l’ouverture des chemins de fer, en 1890, si j’ai bonne mémoire, et comme j’étais assis à côté du cocher, il me dit, après avoir causé du pays, en donnant un coup de fouet léger comme une caresse sur le cheval gauche de l’attelage :

— Vous voyez bien ce cheval, eh bien, monsieur, je vous donnerais bien encore cinquante francs si vous vouliez l’éborgner !

Et comme je ne comprenais pas sa proposition, il se mit à rire d’un air malin et ajouta :

— Si je vous offre cinquante francs pour l’éborgner, c’est parce qu’il est aveugle !

Et de six heures du matin à midi, partout le cheval s’arrêta net, sans se tromper d’un mètre, vous entendez bien, devant tous les bouchons, marchands de cidre, boutiques, bureaux de poste, etc., où l’on devait s’arrêter.

Et le conducteur me disait :

— Il faut le laisser s’arrêter, une demi-minute, si vous voulez, mais il faut qu’il s’arrête, autrement il ne voudrait pas démarrer.

C’était bien la force de l’habitude Mais de l’ha-