Un jour que j’avais assisté de loin à l’une de ces scènes amusantes — pas pour le cycliste qui a casqué — et toujours les mêmes, je le laissai partir le premier et comme le pensionnaire de Nanterre s’était remis en route, cahin-caha, à tout hasard, pour la galerie, mon métier de journaliste reprenant le dessus, je résolus de l’interviewer.
— Eh bien, ça va bien le petit métier ?
— Hélas, monsieur, je n’en ai plus de métier, je suis un pauvre hospitalisé malade qui ne peux plus travailler…
— Je vous parle de votre métier d’écrasé. Ça rapporte régulièrement. Ce monsieur avait l’air cossu ; il a dû être généreux ? Un comme lui par jour et l’on vit tranquillement de ses rentes.
Le malheureux me regarda avec un air suppliant ; il était livide, et puis, avec un grand effort :
— Monsieur est de la police ?
Je ne répondis pas à sa question, mais lui répliquai simplement et le plus sérieusement du monde :
— Allons, mon pauvre vieux, un bon conseil : quand il vous arrivera parfois un accident de ce genre, il est bon, utile et même indispensable d’avoir beaucoup de témoins ; mais quand on a la déveine d’en avoir un tous les jours, il est plus prudent de n’en pas avoir du tout !
Le brave homme, complètement abruti, me répondit faiblement :
— Je vois que monsieur est un aminche.
Et, tout fier, je rentrai chez moi en méditant sur