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Non, il s’agit là d’un Proust de 1856, c’est-à-dire d’un jeune homme encore imberbe, mais cependant solidement modelé.

Du reste cela restera la qualité maîtresse de Manet.

Je la lui ai souvent entendu reprocher par des femmes du monde qui le trouvent lourd et empâté dans son exécution.

Qu’elles considèrent donc seulement sans parti pris le Bon Bock, et qu’elles me disent, oui ou non, si ce n’est pas là une admirable fermeté qui rend bien l’impression de la vie, tout en ayant un modelé très large, tout en ne cherchant pas la petite bête du détail ! C’est si frappant que je suis convaincu qu’il n’y a pas un artiste qui ne sera pas de mon avis, à propos de ce juste hommage rendu à l’exécution du maître disparu.

Mais ce n’est là qu’un incident, et j’ai hâte d’arriver à la simple mais curieuse constatation que je veux faire aujourd’hui.

Donc, j’étais arrêté devant le portrait du jeune Antonin Proust en 1856, portrait composé de la tête, et de quelques centimètres d’étoffe sous le cou et le col.

Regardez bien ces étoffes traitées dans la manière large, étalées comme au couteau, avec des trous, des solutions de continuité, voulues dans leur étalement, singulièrement douces et brutales, et dites-moi si cela ne vous rappelle pas d’une façon frappante certains procédés de Thomas Couture, — c’est entendu, et ce n’aurait rien d’ex-