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ix
préface


casse-cou, comme il sied. Une certaine fièvre nous soutenait. Et puis petit à petit tout est tombé à plat. En vain le pays s’est-il reconstruit, éduqué, cultivé et accru de conquêtes. Rien ne s’est fait d’enthousiasme. On a commencé de sentir de l’inquiétude, on a pris peur ; on s’est tristement replié ; la confiance dans les hommes comme en soi a faibli. Et dès lors a paru ce Français soupçonneux, de grise mine, partout apeuré, gagne-petit, rétractant constamment ses mouvements, sans autre envie que l’impotente sécurité, moins soucieux du bien général que du sien propre, ayant fait faillite à son idéal et qui préfère pourrir sur place que de bouger !…

«  La vérité c’est qu’on aspire surtout au lucre ; on veut parvenir, et que ce soit vite, et sans employer d’efforts ! La concurrence, d’ailleurs, devient chaque jour plus rude, et sous la masse de ses rivaux, on manque sans cesse d’étouffer. On ne peut guère subsister qu’en se faisant invisible, et celui qui avance d’un pied trop orgueilleux attire tous les coups et succombe plus vite. On s’amincit donc le plus que l’on peut admirez ces plats personnages, qui, par la flatterie, les quémandages et les perpétuelles sollicitations, s’insinuent tous de même jusqu’aux plus hautes places. Les malins font leur cour aux gens qu’on voit monter ; mais les plus roublards sont charmants avec tout le monde. Car c’est, à notre époque, un phénomène fréquent que les changements de fortune, et quelqu’un qu’on décrie ou que l’on