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IDYLLE SAPHIQUE

forment une souffrance, une cernure que l’on retrouve dans le mauve.

— Que tu es délicieuse, Nhinon, tu mets de l’âme jusque dans le choix des couleurs que tu portes.

— Puis, continua Nhine, en se revêtant d’un peignoir de mousseline transparente garni de légères dentelles, ensuite vient le gris, vision brève de flammes mortes et de matières consumées, cendres éteintes et pures, deuil lointain de peines qu’on oublie, puis, suprêmement, le blanc… commencement et fin… langes des nouveau-nés et suaires des morts, ce qui vient et ce qui a passé. J’aime le blanc, Flossie. Pour une brune, une femme forte, opulente, pleine de robustesse et d’ardeur, je vois du rouge, du jaune, du noir… du vert aussi et selon ses idées… Les couleurs sont très symboliques, Moon-Beam… Toi, c’est comme moi, du blanc, du bleu. Tu es vierge, tu peux encore t’envelopper de rose… du vert aussi, très tendre, amande ou couleur d’eau. C’est tout. Jamais de nuances violentes ni criardes.

Ernesta arrivait, apportant un plateau chargé de toutes sortes de choses :

— Voici, madame, j’ai trouvé du consommé, il est froid. C’est déjà onze heures et demie et tout le monde est couché à la maison, mais en fouillant à la cuisine j’ai encore mis la main sur de la volaille froide aussi… puis voici du raisin, des pommes et des biscuits. J’ai débouché du champagne… c’est