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IDYLLE SAPHIQUE

le temps. Le nôtre est ténébreux, nous sommes dans la nuit de toute croyance, et l’aurore d’un nouvel espoir n’est pas encore venue.

Impressionnées, elles se tournèrent l’une vers l’autre.

Elle lui murmura :

— Tu es tout pour moi : ma croyance, mon espoir, mon âme et ma vie !

L’autre lui répondit :

— Je ne t’aime pas ainsi que tu le voudrais, mais tu es douce et je te sens à moi…

Elles s’unirent d’une étreinte subite, passionnée et sortirent du saint lieu, continuant leur course vagabonde.

Elles s’arrêtèrent sur le bord d’un grand étang. Ce limpide miroir des vaniteuses étoiles les fit rêver.

— Vois, Nhine, ces feuilles de nénuphars, ce sont des femmes qui agitent leurs bras pour agacer ces roseaux changés en faunes. Elles se savent hors d’atteinte, elles rient et se moquent et se rassemblent. À les voir, ne te semble-t-il pas que l’amour entre femmes est une douce chose ?

— Ah ! Floss… chut ! Tais-toi, ne parle pas de ça.

— Oui, je te comprends. Tout amour te fait mal, car le Passé survit. Je sais cela sans que tu me le dises… et elles s’éloignèrent lentement du grand lac.