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IDYLLE SAPHIQUE

entière sera notre amie, nous sentirons avec délices nos cœurs battre sainement.

Elles sautèrent hors de la voiture, tout à leur nouvelle fantaisie et se mirent en marche. Attirées par une lumière, elles entrèrent dans une petite ferme pour demander l’aumône de l’hospitalité. Tandis qu’on leur cherchait du lait frais, elles s’assirent sur le coin d’un banc et observèrent en parlant à voix basse.

— Bien entendu, Nhinon, tous les grands sont en train de manger la soupe tandis que les petits dorment d’un sommeil de brute, la bouche entr’ouverte, comme cassée entre deux joues d’une santé robuste et répugnante.

— Vois… la mère est enceinte, il ne faut pas perdre de temps ! son dernier enfant a déjà un an.

— Cette femme me dégoûte, Nhine, avec son gros ventre et tout son vilain être utile et laid. Décidément la bourgeoisie et l’honnêteté sont faites pour écœurer… et pour y échapper, partons, cherchons ailleurs.

Elles réglèrent, on leur rendit de la grosse monnaie qu’elles laissèrent pour les enfants, et s’en furent plus loin. La pluie avait cessé, partout s’apercevaient des petits lacs d’eau boueuse. Nhine fut frappée par les reflets transparents du ciel sur un de ces impurs miroirs, et Flossie lui expliqua ainsi gentiment ce détail :

— Quand l’amour azuré d’un autre monde se pose