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IDYLLE SAPHIQUE

comme une courte mort, meilleure et plus intéressante que le sommeil. Cette envie que tu as de voyager ou de mourir vient tout simplement de ce que tu es lasse de toi-même et voudrais changer de scène ou de monde. Cela est facile sans grand’peine. Ah ! si tu vivais toujours avec moi !

— Que faire, mon Dieu, que faire ? J’ai l’âme en une si profonde détresse. Ah ! cette pluie, cette misère, tout ce mal qui m’entoure, Flossie, Flossie, viens à mon aide,… et Nhine pleurait lentement. Partir, mourir… au moins dormir profondément.

— Non… Laissons les « breuvages exécrés » et les opiums aux gens sans esprit, aux esprits sans ressources et allons vagabonder dans la vie, devenons plus impressionnables à ce qui nous entoure. C’est quelquefois ce qui est le plus près qui est le moins connu et le plus étrange. Regarde, ma Nhinon, par ce soir de pluie, l’expression blafarde des réverbères jetant leurs pâles reflets sur les rues de ce petit village à la sortie du Bois… les faisant luire comme l’eau à Venise. Ta voiture devient une gondole, et nous, les amoureuses du temps passé. Cela te fait sourire. Fais arrêter et allons courir dans la campagne, ainsi que deux petites ingénues avec nos robes courtes, la main dans la main et nos pieds sur l’herbe mouillée. Viens, cheminons ensemble loin de tous, dans un complet oubli de ce qui nous exile. Comme deux enfants, comme deux jeunes filles, soyons étonnées de tout, éprises de rien… La nature