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IDYLLE SAPHIQUE

leur joie ne te fait rien, va vers la souffrance, tu oublieras un peu les tiennes en soulageant les leurs. Altesse était très charitable… Tiens, voici une misère qui m’a été signalée : un pauvre comique de je ne sais plus quelle ville de province, venu chercher la fortune et la célébrité à Paris. Ça meurt de faim dans un petit grenier, tout en haut d’une de ces étroites ruelles de la Butte, avec un gosse de sept ans que lui a laissé une pauvre fille morte de misère et de manque de soins. Prends l’adresse, je te les confie.

— Oui, chérie, merci !… j’irai… Tu es aussi bonne que belle ! Bonne pour tous… Ah ! tu ne sais pas, je ne t’ai pas dit…

Elle baissa la voix et lui conta sa mésaventure, sa déception au sujet des bijoux…

Altesse rit et la plaisanta.

— Alors te voilà en désir d’une sauterelle et d’un capillaire. Que je te plains, ma douce ! Grosse bête, tiens, téléphone et dis qu’on te les envoie, tu te les offriras toi-même et pour ta peine tu demanderas dix mille francs de plus à ton ami en un jour de générosité. Voilà !

— C’est une idée !

Annhine se précipita dans le petit salon où se trouvait le téléphone. Après maints pourparlers elle revint, la mine encore plus déconfite.

— Pas de veine ! Décidément rien ne me réussit ! Tu ne sais pas, ces deux objets ?… Vendus, ma chère,