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IDYLLE SAPHIQUE

lité féminine ! Je les déteste… d’ailleurs, moi, je ne peux pas aimer ce dont j’ai besoin. Comprends-tu cette stupidité, Flossie ? M’apporter sans lésiner des perles de soixante mille francs, et hésiter à me combler de joie pour deux petites saletés qui valent à peine quatre cents louis !

— Oui, c’est bien eux, ça ! Tels je les juge et les estime, répondait Flossie qui semblait préoccupée. Je me souviens… et cela remonte à ma première enfance… j’étais bien petite alors, mes dents de lait tombaient. Il arriva un de mes oncles à la maison, le frère de ma mère. J’étais délicate et craintive. Il rit de ma faiblesse et d’un grand geste brusque fit sauter une de mes petites dents qui tenait encore par un fil. Je m’évanouis d’effroi. Le lendemain, voulant racheter sa faute vis-à-vis de moi, il m’emmena chez un pâtissier et me bourra de gâteaux et de friandises, tant et si bien que j’eus une terrible indigestion qui me rendit très malade et pendant plusieurs jours. Tu ne saurais t’imaginer, ma Nhine, mais dans mon cerveau d’enfant déjà observateur, j’analysai et rapprochai ces deux choses, et je les jugeai tous avec un mépris naissant et qui ne fit que croître avec moi-même…

Elle s’interrompit.

— Nhine, ma douceur blonde, pardonne-moi, j’ai un alibi à préparer, car je veux rester avec toi jusqu’à ce que ton désir me chasse… Alors, aurais-tu une course à faire, oh ! il me faut une demi-heure,