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IDYLLE SAPHIQUE

ser à tout cela. Il fait un temps splendide, assez en désaccord avec mon esprit tourmenté d’aujourd’hui, je veux le braver ! Viens, partons, nous irons à Ville-d’Avray en traversant le parc de Saint-Cloud, il fait un froid sec. Ernesta ! Ernesta ! Donnez-moi ma jupe courte de bicyclette, en drap noir, car nous courrons un peu… une petite chemisette bleue avec ma cravate à pois blancs… c’est cela… et par dessus, mon grand manteau droit et fermé en drap bleu de Sèvres avec le capuchon de velours. Puis ma toque de paume cerise… Et toi, Moon-Beam ? Tiens, ta jupe est courte aussi !

— Oui, je craignais la pluie.

— Tant mieux, si elle vient. Elle me calmera, nous courrons dessous, ainsi que deux chevaux en liberté. Allons, me voilà prête, partons, fuyons ces tristes lieux. L’idée de cette fugue me rend tout enjouée ! Je ne sais pas trop à quelle heure je rentrerai, Ernesta.

— Et si Monsieur venait ? interrogea la femme de chambre.

— Si Monsieur venait ?… Eh bien, dites-lui tout ce que vous voudrez, voilà !

Et elle sortit hâtivement, entraînant son amie. En s’en allant, elle pensait à haute voix :

— Ces objets, tu sais, je les aurai, il me les donnera, mais pourquoi m’énerver par un premier refus, alors ils ne me feront plus autant de plaisir ! Les hommes n’ont vraiment aucune idée de la sensibi-