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IDYLLE SAPHIQUE

de feuilles, de rares promeneurs troublaient par intervalles le calme et la solitude de ce paysage d’ombre et de silence.

Nhine voulut réagir :

— Marchons un peu, veux-tu ?

Elle sonna. La voiture s’arrêta.

Désireuse d’échapper à ce trouble, elle sauta vivement à terre et Flossie la suivit. Elles marchèrent la main dans la main, ainsi que deux enfants… sans parler, n’osant rompre le charme. Elles allèrent devant elles, très loin, sans se soucier de l’heure. D’un même désir subtil, elles s’enfoncèrent sous bois, dans les petites allées ; leur peau devenait fraîche, leurs cœurs battaient à l’unisson. Cet instant d’impression délicieuse les charmait… Alanguies et lassées, elles rêvaient en silence, perdues en une très douce sensation de paix ; la notion de toute chose avait disparu, et il leur semblait que dans le monde entier, en ce même moment, il n’était pas un être qui ne rêvât aussi ! Ce fut miss Flossie qui la première rompit le silence… d’une petite voix émue : Il fallait qu’elle rentrât à la maison… ses parents… Will peut-être l’y aurait précédée, mais demain… Ah ! demain ! Elle prenait un ton de prière, n’est-ce pas, elle pourrait venir vers de nouveaux bonheurs ?

— Quel dommage de nous quitter ! et Nhine soupirait, à demi conquise.

Enfin puisqu’il le fallait !… et elle se mit à courir vers la voiture, très vite, suivie de l’enfant qui l’at-