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IDYLLE SAPHIQUE

plaisamment, après une énervante lecture de Swinburne, les mots de Sapho à Anactoria… penchés l’un sur l’autre, au rebord du parapet, en recherche du reflet des astres dans l’immense profondeur de l’eau attirante et mystérieuse, alors que nos effleurements et mon souffle l’avaient exalté jusqu’à la fièvre, en un besoin de confidence et de mutuelle lascivité, je me suis ouverte à lui. Il a connu une autre Florence, la vraie, la seule, la païenne ! et chaque soir à dater de celui-là, je poursuivis mon œuvre d’initiatrice !

— Ton œuvre de perversion !

— Non, de conversion ! Car je l’ai converti aux douceurs de l’amour pervers, lui en faisant admirer les beautés, en effaçant les inévitables brutalités, lui dépeignant surtout ces deux divines fonctions qu’a su si bien décrire Pierre Louys : La Caresse et le Baiser, lui évoquant de jolies visions féminines, de longues chevelures voilant d’idéales blancheurs de seins, des enchantements de formes, des offrandes de lèvres, des cris étouffés, des spasmes incomparables. Bref, je l’ai rendu autre, et dès notre arrivée à Paris nous nous mîmes en quête de ces adorables instruments de volupté qu’on ne trouve que chez vous. On essaie un cheval avant de l’acheter ! Eh bien ! j’ai essayé Willy. Je l’ai mené partout où mon caprice a voulu me conduire. J’ai aimé des femmes devant lui, il m’avait formellement promis de ne jamais me prendre, de n’avoir de moi que de chastes