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IDYLLE SAPHIQUE

la fois mécontente et flattée, elle prenait des petites mines inattentives et contristées, relisait son programme, entr’ouvrait sa zibeline, elle était toute rose sous la fauve toison, charmante et simple dans un fourreau de drap gris brodé qui la moulait. Impatientée, elle se pencha et aperçut Miss Florence qui semblât discuter fortement avec son fiancé. Ce dernier baissait la tête et parlait très vite, tenant le petit poignet serré et scandant ses phrases par un mouvement nerveux et réflexe qui secouait toute la frêle créature. Flossie osait à peine tourner ses regards, elle fixait le mur et répondait très bas ; à un moment donné elle eut un geste de révolte et retira violemment sa main, puis avec dignité et sans plus écouter son interlocuteur pâle et outré de colère, elle se retourna vers Nhinon et sourit gentiment en se rendant près d’elle. Nhine l’attira et la plaça dans le fond. Stupéfait, le fiancé n’avait pas bougé. Le sentiment lui revint et il allait se précipiter vers elles quand la voiture s’éloigna au trot rapide des steppers fameux de la courtisane.

— Nhine, je veux toujours ma place à tes pieds, et Flossie se laissa glisser sur le tapis qui couvrait le fond du coupé, c’est mon refuge, mon petit coin à moi, le coin du page ! Si tu savais, Will était très méchant, il ne voulait pas ! Il est jaloux de toi, furieux que tu m’accueilles et l’évinces, alors il s’en venge en me faisant des scènes !

— C’est bien ainsi, répondit la capricieuse, mais