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IDYLLE SAPHIQUE

pèlerine de fourrure. Elles partirent bras dessus bras dessous et tandis qu’elles attendaient à la sortie que le valet de pied eût fait approcher la voiture, elles se frôlèrent à Willy, le respectueux fiancé, qui les escortait à quelques pas derrière, en attente douloureuse et inquiète. Elle serra la main de Florence :

— Tiens, regarde, voilà ton Will… il a l’air attristé et anxieux.

— Ah ! oui, Nhine, il faut que je lui parle, il était là, et tu me l’as fait oublier. Il avait pris un fauteuil à l’orchestre et nous ne lui avons pas fait l’aumône d’un regard… la vue de tes petits pieds, le contact de ta tiédeur troublante et la prose enfiévrante de Shakespeare m’ont tout ôté de l’esprit. Tu permets, n’est-ce pas ? Veux-tu que je te le présente ?

— Je ne sais pas pourquoi, mais je n’en ai nulle envie, au contraire. Va lui parler, Floss, va vite, la voiture est là et je t’attends dedans.

— Méchante, cruelle Nhine ! enfin que ta volonté soit faite !… et l’enfant s’éloigna un instant alors qu’Annhine se dirigeait vers la voiture. Elle s’assit au bord, baissa la vitre, prit la petite glace de l’élégante trousse d’or et se mira… arrangeant une boucle, mettant de la poudre de riz, du rouge à ses lèvres, avec de jolis et menus gestes pleins de grâce. Des gamins l’entouraient, l’admiraient de loin, un murmure se faisait entendre déjà dans cette foule du Dimanche : Tiens, c’est la belle Annhine de Lys. À