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IDYLLE SAPHIQUE

le veux platonique… C’est bizarre, gentil, inattendu… Tout ce qu’il faut pour me plaire ! Cependant je me cacherai d’Altesse, je crois avoir remarqué qu’elle est un peu jalouse, et je l’aime tant, ma Tesse. Elle est si bonne ! si sûre et tellement sensée ! Je ne veux pas lui faire de peine ! Et ce qu’on ne sait pas n’existe pas ! Tant pis…

Une idée lui vint aussitôt à l’esprit, d’aller voir Tesse et de lâcher le Bois, l’Américaine et le fiancé. Elle se mit à rire. Cela la charmait de se savoir attendue, et comment ! Et par qui ! Et de ne pas y venir… puis aussi de surprendre Altesse qui n’y comptait pas… Je ferai ça, oui… La capricieuse mit un temps infini à sa toilette… sans se presser…

— Tout en rouge, Ernesta… ma robe tailleur de chez Callot avec le petit boléro brodé fermé devant et très montant. Passez-moi ma chaîne de perles… puis ma couronne de comtesse pour l’ouverture du col… ma canne, car j’irai à pied, la voiture me suivra… et le petit tricorne Lewis, de feutre rouge avec le chou de velours noir. Je déjeunerai chez Paillard avec monsieur… S’il y avait du nouveau téléphonez-moi, après je passerai au théâtre, ensuite chez Mulcar qui est malade. Mettez ma pèlerine de zibeline dans la voiture, vite, ma voilette, mes gants.

Elle se pencha devant la glace, aviva le rouge de ses lèvres, se poudra, fit marcher le vaporisateur au hasard et tout autour d’elle, puis partit après avoir piqué une des roses de son page dans la ceinture