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IDYLLE SAPHIQUE

toi… ce que je t’aime, ma douce madone, pour la tristesse et l’amertume que je sens en toi de la vie que tu subis… Je croyais seulement venir vers une femme… la plus jolie, la plus douce, et j’ai trouvé une âme que je démêle à travers tout ce qui est toi… Oui, Nhine, on s’aimera, on s’amusera !

— Allons, viens, Moon-Beam, viens et parlons de toi, je veux te connaître, moi aussi, présente-toi. Ecce : Miss Florence Temple…

— Bradfford, interrompit gaiement Flossie, vingt ans, heureuse en ce moment dans ta baignoire, jouant avec toi les grands lys d’eau ou les nénuphars endormis… vivant la plupart du temps à San-Francisco avec une mère, un père, rigides et bourgeois et deux frères artistes… l’un peint et l’autre déclame… Quant à moi, j’aime le beau ! J’ai la religion des formes, du joli, du mystique, du surnaturel et invinciblement j’ai été attirée vers toi… Nhine.

— Que fais-tu à Paris ? Je veux tout savoir.

— Ah ! oui !… Venue à Paris avec ma mère, un de mes frères et mon fiancé pour jusqu’après l’Exposition…

Interloquée. Annhine se pencha en avant afin de bien la regarder.

— Ton fiancé ! s’exclama-t-elle.

— Mais oui !… Hélas ! il faut bien subir la loi ordinaire et naturelle de la vie, j’ai un fiancé, Nhine, ce qui me donne cette liberté relative dont je jouis à l’heure présente puisqu’elle me permet de venir te