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IDYLLE SAPHIQUE

la fleur fragile et nacrée de la Sveltesse blonde et frêle d’Annhine.

En pénétrant dans ce sanctuaire troublant d’intimité et de repos, Flossie se sentit tout émue, elle eut comme une hésitation, mais la vision frissonnante d’Annhine qui surgissait nue des froufrous des dentelles et des linons de sa chemise, lui rendit son courage. En une poussée d’amoureuse audace, elle se précipita aux pieds de la jolie créature et l’entourant de ses bras elle lui baisa dévotement les chevilles, les genoux, les jambes, les cuisses… elle perdait la tête… murmurant des mots sans suite entrecoupés d’adoration et de prière… tremblant de tous ses membres… en folie… en fièvre… en délire. Impassible, Annhine la laissa faire un instant, souriante… puis, lui échappant par un brusque saut, elle s’enfonça dans l’eau parfumée, éclaboussant son page mignon toujours prosterné.

— Voilà ! effronté Moon-Beam ! Vous devez me servir et non me déranger. Je suis de mauvaise humeur, tu sais… d’ailleurs tu dois m’aimer sans me le dire, sans trop m’embrasser. Je ne t’aime pas, moi, Flossie, je me laisse aimer par toi, ce qui est autre chose. Relève mes cheveux… là, à gauche, sur la coupe de Sèvres, prends cette épingle d’écaille blonde. Es-tu maladroite ! Tu ne sais rien faire, sotte ! Et, lui arrachant l’épingle, elle la planta triomphalement dans la masse de ses boucles d’or, rele-