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IDYLLE SAPHIQUE

roses, copie unique et très rare d’un lit fameux ayant appartenu à la maîtresse du Grand Roi. Je ne pourrai jamais rien voir d’aussi beau ! murmura-t-elle.

— On m’a réveillée pour toi, mentit gentiment Annhine d’une voix dolente… et le soleil m’aveugle !

— Non, ma Nhine… c’est pour ces pauvres petites qui se fanaient loin de toi et dont j’ai eu pitié… et Moon-Beam s’avançant gravement joncha le sol de la brassée fleurie. Elle en fit un tapis pour les pieds mignons de son aimée.

— Écoute ce qu’elles te diront : Accepte-nous, laisse-nous mourir près de toi. Nous n’avons qu’une toute petite existence ici-bas, mais nous n’aurons pas vécu en vain puisqu’il nous est permis de te connaître et de t’aimer. Que ne puis-je-ainsi qu’elles mourir d’amour auprès de toi, Nhinon !

— Au fond, les fleurs et les femmes sont un peu sœurs !

— Elles savent plus, n’ayant rien appris.

— Leur sagesse est grande : elles vivent pour aimer, elles n’aiment pas pour vivre.

— Elles saisissent ainsi un peu de bonheur en attendant le grand.

— Ah ! le bonheur !… Le bonheur !

— Où est-il ? Et qu’est-il ?

— Un souffle !

— Un nuage !

— Un mythe !

— Un papillon aux ailes diaprées, étincelantes,