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IDYLLE SAPHIQUE

tes hanches sont plus fortes que les miennes… Tesse, parle, tu ne dis rien ! Ai-je bien fait d’accepter un tel petit page ?

— Tout ce qui te plaît est bien, répondit gravement Tesse, et sans la moindre hésitation.

Moon-Beam charmée interrompit :

— Oui, tout ce qui te plaît est bien, Annhine… et je remercie pour la première fois ceux qui m’ont faite de m’avoir faite ainsi selon ton goût… je bénis ton indulgence… Nhinon, Altesse, je me sens si délicieusement émue que je voudrais pleurer… pleurer longtemps de chaudes, de douces larmes de joie !

Elle effeuillait les fleurs.

— Nhine… ces fleurs t’étaient destinées. J’avais choisi pour toi ce que j’avais pu trouver de plus blanc et de plus virginal, à ta ressemblance ! Ces roses pourpre, c’est le sang de mon cœur qui ne bat que pour toi… Image banale, mais si fidèlement exacte… Ah ! que je suis heureuse ! Je voudrais te chanter une litanie d’amour… ma Nhine, ma beauté… et il faut… il faut que je m’en aille de toi…

En un tour de main, elle releva sa pâle chevelure flottante, remit son chapeau, son manteau et se trouva debout sur le seuil de la porte… son dernier regard… son dernier baiser vers Annhine… Elle murmurait doucement et une inflexion de regret brisait sa voix :

— Ne bougez pas, ne parlez pas, mes aimées, je fuis jusqu’à demain, je vous emporte en mon cœur