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IDYLLE SAPHIQUE

— Non… je ne veux pas de tout ça… je t’appellerai : Moon-Beam[1]. Altesse — c’est ma grande amie… l’unique… il faudra que tu l’aimes aussi. Tesse m’appelle parfois son « rayon de soleil », toi, tu seras mon « rayon de lune », Moon-Beam. C’est ravissant ! Et ça te va… Voyons tes dents : très blanches, très belles, très belles, elles me font peur, une bouche d’enfant vicieux. Moon-Beam, tu as une bouche vicieuse… c’est visible. Tiens, regarde, Tesse, les lèvres sont sensuelles, un peu épaisses, la mâchoire forte, un peu bestiale. Oh ! Mademoiselle, ça promet ! Ton teint est pâle, mais tu rougis vite… tes yeux sont bleus, mais pas comme les miens ni comme ceux d’Altesse… ils sont d’un bleu gris indéfinissable et ta pupille est énorme, dilatée, envahissante… ton nez…

— Ah ! Nhine, que tu es belle, toi !… et l’enfant se pâmait, se saoulait du contact grisant d’Annhine penchée sur elle.

— Ne me dérange pas… ton nez est fin, un peu recourbé, vicieux aussi ton nez… tu es mignonne, somme toute ! Pas aussi belle qu’Altesse ni que moi, et pire peut-être ! Je te défends de me regarder avec ces yeux-là ! Veux-tu bien les baisser ! Que penses-tu de tout ceci, Tesse, ma Minerve chérie ? Lève-toi, Moon-Beam ! Bien faite… une toute petite poitrine, dans mon genre, un peu éphèbe, Tesse nous aimera…

  1. Rayon de lune.