Page:Pougy - Idylle saphique, 1901.djvu/337

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
327
IDYLLE SAPHIQUE

des ordres supérieurs… de qui ?… ah ! oui, de qui ?… Bah ! elle trouverait : de Tesse, du docteur, elle dirait le premier nom venu avec aplomb, une communication importante pour Charlotte, la petite infirmière, c’est ça… ouf, elle respira, soulagée. Elle se recommanda, — j’allais faire erreur et dire à tous les saints du Paradis, — non, ce fût à Sapho qu’elle adressa une mentale supplication et d’un pas ferme, quoique modeste et approprié à sa nouvelle incarnation, elle traversa la grande cour. Ô joie !… la porte était ouverte !… ouverte aussi celle de l’antichambre qui donnait sur l’escalier !… libre, le passage !… Plus loin, pas de défense, un air d’agitation à l’étage d’Annhine, des allants et venants empressés… c’étaient des chuchotements, un trouble… quoi donc, qu’était-il… arrivé ?… des portes s’entrechoquaient… tout était en désarroi. Tant mieux !… elle se pressait… une crainte lui vint : serait-elle partie ?… Là, c’était là… tout au fond… Sur le seuil, une odeur de cire comme dans les églises, un silence… là… seulement… pourquoi ? Ah !… pourquoi tout cela ?…

Elle recula, épouvantée : les volets hermétiquement fermés, la flamme des cierges qui brazillaient dans leurs funèbres lumières, des silhouettes vagues, agenouillées. Elle ouvrit les yeux sans rien voir, tellement elle se sentait atteinte… dans quoi ?… par quoi ?… alors… cet allongement de formes sur le grand lit, c’était… ! ses jambes fléchirent… elle dût s’avancer, car quelqu’un la poussait, en curiosité d’approcher.