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IDYLLE SAPHIQUE

nuit. Alors elle apprit qu’Annhine se trouvait mieux, qu’elle était debout, plus forte, qu’on espérait, enfin ! Elle sortit radieuse : ce sont d’heureux présages. D’heureux présages !… toute sa joie chantait en elle. Mais comment l’approcher et lui remettre ceci ?… elle chiffonnait entre ses mains le petit papier bleu roulé qui contenait tous leurs espoirs réalisés !… Un frôlement la fit se retourner, c’était une religieuse qui passait, sans doute absorbée par de saintes méditations et qui ne l’avait pas vue venir. Une inspiration !… comment n’y avait-elle pas songé plus tôt, à s’habiller en religieuse !… Elle s’enquit du premier venu où trouver de tels vêtements, des déguisements, comme si c’était pour un bal. On lui indiqua un magasin qui se trouvait au boulevard Sébastopol. C’était bien loin, mais que lui importait de franchir une distance quelconque, si le succès devait couronner ses efforts. Une fois rendue, ce ne fût pas facile, elle dut attendre, puis revenir après le déjeuner. Vers trois heures seulement, tout fut conclu, arrangé, bâclé ; alors elle redescendit de chez le couturier emportant un petit paquet de ses habits, héla un fiacre et se fit conduire rue de la Pompe. Qu’avait donc cette voiture qui n’avançait pas ?… quelle longueur ! elle en perdait la tête ! En approchant, elle craignit quelque chose d’imprévu, un obstacle. Une lourdeur lui écrasa le cœur, sinistre, douloureuse. Elle se raisonna : non, non, tout irait bien, voyons, il fallait se présenter crânement, hardiment, dire qu’on avait reçu