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IDYLLE SAPHIQUE

me maquiller non plus, les fards sont d’hypocrites mensonges… oh ! je suis très scrupuleuse, moi !… Et, à la fin, j’ai promis encore autre chose, comme une action de grâces, car le poids qui m’étouffait avait subitement disparu, ma raison revenait, et je vis encore et je suis en train de me guérir ! Tesse, songe donc, tout ça, ça me prouve à moi, dans mes pauvres petits moyens d’intelligence… que le bon Dieu existe.

— Chérie, tu vas t’épuiser, parle un peu moins, tu me diras tout cela plus tard.

— Non, je suis remontée, ne t’inquiète donc pas !… Il faut bien que tu connaisses la troisième chose, voyons ? C’est… — elle baissait la voix, prenant un ton de confidence, — c’est… au sujet de Flossie… j’ai promis de tout faire pour la ramener au devoir, à la nature. J’ai promis de l’unir à Willy ainsi qu’on doit s’unir ; moi, je serai toujours leur petite amie, je vivrai auprès d’eux, mais j’ai juré de tout sacrifier à cela, tu sais, mes rêves, mes instincts troublés par l’insinuance de ses désirs, j’ai promis de lui résister et de la convertir, voilà, et je le ferai, oui, car Dieu m’a exaucée. Si elle m’aime, elle m’écoutera, elle se mariera pour de bon et elle aura des enfants, ce sera ma famille à moi, mon œuvre, mon rachat, comprends-tu ?…

Altesse se sentait émue, sa gorge se serrait ; pour couper court, elle dit :

— Vois, Nhinon, les jolies fraises, c’est Georges,