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IDYLLE SAPHIQUE

Bavarde, la convalescente continuait :

— Vois-tu, Tesse, je vendrai tout. Suis bien mon idée : une grande vente, dernier tapage autour de mon nom, plus de bijoux, plus d’hôtel, rien de cette vie que je veux quitter à jamais, et cela me donnera de l’argent, pas mal… toi, tu feras comme moi, dis ?… Nous réaliserons pour acheter la liberté ! Je changerai de nom pour que tout le monde me croie morte, car j’y tiens, et lorsque tout sera terminé, j’écrirai une lettre d’adieu, et je jetterai mes vêtements à l’eau, comme si j’avais voulu me noyer. On croira à un suicide, jamais on ne retrouvera mon corps, le corps d’Annhyne de Lys, et la petite Anne-Marie… je n’ai, hélas ! pas d’autre nom, la petite Anne-Marie reprendra sa vie d’errante et de vagabonde !…

Inquiétée par l’incohérence de ces projets insensés, Altesse l’observait redoutant l’approche du délire, mais Nhinon, loquace, poursuivait :

— Mais oui… ce sera vraiment une vie nouvelle. Tout sera neuf, autre, changé autour de moi, jusqu’à moi-même !… Et si jamais quelqu’un s’approche et croit me reconnaître et m’appelle Nhinon, tu verras comme je lui répondrai qu’il se trompe !… je zézaierai pour rendre l’illusion complète, j’ai toujours adoré un petit zézaiement léger, c’est enfant, c’est gentil, tu ne trouves pas ?… et je lui dirai : ah ! vous me prenez pour la belle de Lys, mais n’est-elle donc pas morte ?… on m’a dit bien souvent que je lui ressemblais !… Je