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IDYLLE SAPHIQUE

— Si tu désires voir quelqu’un, dis-le au contraire, on ira te le chercher !

— Non, c’est-à-dire oui, je désire, mais c’est bien plus gentil qu’on vienne toute seule… — cette idée l’amusait, elle se demandait comment l’autre allait s’y prendre pour arriver à elle, — Tesse, je veux aller devant la glace, mes jambes flageolent, ma tête se perd un peu… aide-moi, veux-tu ?…

Soutenue par son amie d’un côté et par Ernesta sur laquelle elle s’appuyait de l’autre elle glissa, plutôt qu’elle ne marcha, vers l’armoire à glace.

— Pas trop mauvaise mine, hein ?… je n’ai pas besoin de mettre du rouge, à la bonne heure !… et mes lèvres ?… et mes gencives ?… — grimaçante, elle ouvrait la bouche : — eh bien, vrai alors ! si ce sont là des lèvres d’anémiques, ça !… — elle tirait la langue, — je renais ! Quel bel été, chérie !… — elle leur communiquait sa joie, — lâchez-moi !… — elle se soutint seule, resta debout, puis vacilla, — Non ? Ah ! dame… pas tout à la fois !… Ernesta va ranger maintenant, conduisez-moi au balcon. — Des glycines fleurissaient, elle en cueillit quelques grappes et fit un bouquet pour son amie : — je veux les placer moi-même… rien que pour voir si j’ai encore du goût ! Là, dans ta ceinture, puis sur tes cheveux roux. C’est ravissant ! ra-vis-sant !… Tu vas voir… moi, je veux quelques roses, donne-m’en… de toutes les nuances… — elle les épingla sur sa poitrine, puis en