Page:Pougy - Idylle saphique, 1901.djvu/324

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
314
IDYLLE SAPHIQUE

nous allions les atteindre, ce n’était plus des nénuphars, mais un vol de mouettes toutes blanches et lentes qui ouvraient leurs ailes et s’enfuyaient loin de nous… et nous les poursuivions dans l’air, alors… elles redevenaient fleurs et s’enfonçaient sous l’eau pour nous échapper, et toujours ça continuait ainsi, oh ! mais c’était joli, joli, un paysage idéal !… un effet de lune large, chimérique. Flossie était là, immobile, elle se contentait de se mirer dans l’eau en nous criant que ça ne valait pas la peine de se donner tant de mal…

Annhine était en nage, épuisée, sans souffle, elle dut s’arrêter :

— Je garderai tout de même ma chemise de nuit sous ma robe, car ça me fatiguerait d’en changer, il faudrait lever trop de bras, passer trop de manches… ma robe, vite, vite !…

— Calme toi, Nhinette, rien ne te presse !

— Si, si, je veux qu’on se dépêche, je veux… — sa petite tête ébouriffée émergeait du fourreau de satin qu’Ernesta lui passait, — là !… — elle arrangeait les plis, faisant retomber la mousseline blanche qui la recouvrait toute, — là !… au moins j’aurai l’air de quelque chose !… J’ai dans l’idée qu’on viendra me voir… que je recevrai une belle visite…

— De qui, chérie ?

— Ah ! voilà !… curieuse !… tu verras !… — elle songeait à Flossie, — je ne te le dirai pas !