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IDYLLE SAPHIQUE

à la tige humide et verdâtre, la fleur emblématique d’Annhine… Les manches et le col de la chemise étaient en linon blanc finement plissé, les bouffants du coude et des épaules en miroitant velours du bleu éteint des lavandes.

— Est-elle jolie ainsi, disait Altesse… regarde, Nhine, enfant choyée du sort, regarde le beau page que le destin t’envoie !

— C’est Sapho qui m’envoie vers toi… me veux-tu ? M’acceptes-tu pour te servir ? Nhine, mon adorée, fais-moi effleurer la réalité de mes espoirs rêvés, ne me repousse pas !… Et elle prit place aux pieds d’Annhine.

— Ah ! la petite folle !… et les doigts fuselés d’Annhine se jouaient au travers des mèches blondes… mais, dis-moi… comment as-tu osé venir jusqu’ici ?… Tu n’avais donc pas peur ? Ta famille… ta réputation… et puis, moi-même ? Voyons ! je pouvais parfaitement te mal recevoir, en fille que je suis !

— Oh ! Nhinon ! et l’atteignant d’un bond agile et gracieux elle lui ferma la bouche par un baiser… ne blasphème pas ! Je t’avais devinée !

— Et puis, fit Nhine en se dégageant, tu sais… encore autre chose et la plus importante… je ne partage peut-être pas tes goûts ni tes idées, moi !

— Je te ferai remarquer que tu as dit : peut-être ! observa malignement Altesse charmée de cette petite comédie inattendue.

— Nhinon ! Nhinon ! je te convertirai… et d’ail-