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IDYLLE SAPHIQUE

sortie sera certainement remarquée. Il faudra encore inventer quelque autre chose. Que tu étais drôle en mendiante, ma Floss, et que ta perruque te change ! — Elle parlait avec peine, lentement, presqu’indistinctement, comme si chaque mot lui arrachait un peu de vie. Elle s’en rendit compte : — Ah ! je n’ai guère de forces !… Me trouves-tu changée, bien changée ?… sois franche ! — et son regard inquisiteur se forçait à fixer celui de Flossie.

— Je te trouve encore plus adorable ainsi, mon ange pâle, plus irréelle, plus éthérée, tu as l’air d’une sainte, d’une inspirée, Nhine. — Sa voix prenait des accents de prière : — Ma fragilité, n’est-ce pas, tu me laisseras bien t’aimer comme je le désire tant, et tu me donneras ton cœur ?… — Elle décida : — Il faut que je m’en aille, c’est le moment cruel, je vois qu’on apporte des lumières.

— Les lampes m’attristent, dit Annhine, je n’en veux pas, elles me forcent à clore mes yeux affaiblis, vois, je ne puis même plus supporter l’éclat d’une pauvre petite lampe voilée. La nuit… la nuit est meilleure aux songes, les yeux peuvent rester grands ouverts… Allons, courage, adieu !

— Chérie, soigne-toi bien, il te faut aller mieux pour l’enlèvement. Que ce sera gentil, ce rapt ! Songes-y et prépare ta frêle apparence.

Nhine pouvant à peine se soutenir, elle lui fit un signe vague qui ressemblait à un baiser et murmura :