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IDYLLE SAPHIQUE

— Ah !…

Un vertige la saisit, c’était elle, Flossie, ainsi méconnaissable sous cet accoutrement. Une chaleur la prit, elle trouva cependant la force de sourire.

— Demande, disait l’autre en se servant de ses mains comme porte-voix, demande une robe de chez Callot, exige pour quatre heures une vendeuse ici !

Un signe affirmatif et Nhine se retira, brisée, dans le fond de sa chambre.

Ainsi, c’était Flossie !… étrange enfant !… Ah ! elle lui ferait du bien, celle-là !… On lui avait menti, pourquoi ?… C’était très mal ! Quelle force en l’autre lui faisait vaincre ainsi tous les obstacles, déjouer toutes les ruses !… Une vie nouvelle… bien loin… elle les quitterait tous, tous les menteurs, les méchants ! Flossie l’enlèverait, elle trouverait bien le moyen de la prendre, puis de la guérir ! La mer… l’embarquement, le voyage… des pays inconnus… meilleurs !…

Elle joua son rôle, très naturellement. Elle voulait absolument une jolie robe bleue, un bleu de ciel, très clair, en taffetas brodé de blanc… C’était pour sa première sortie, car elle pourrait sortir bientôt, n’est-ce pas ?… Non, non, pas plus tard, elle voulait la commander de suite, ce matin même, ou alors tantôt à quatre heures, elle la voulait toute prête pour le jour où on lui permettrait de faire une promenade. Enfin elle trépigna, pleura, ordonna et fût obéie.