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IDYLLE SAPHIQUE

tions, effarantes et atroces. Elle était en nage, le sang lui montait aux tempes qui battaient à se rompre, puis elle s’appâlissait, un froid intense la saisissait, elle claquait des dents. On la soutenait comme on pouvait, avec des piqûres sous-cutanées, des ballons d’oxygène, une cuillerée de gelée, un peu de lait, des potions. Dans la première semaine de mai, un mieux se fit sentir. Elle semblait plus forte, plus calme. Elle avait faim, soif, envie de parler, de savoir. Alors le docteur en profita pour l’emmener rue de la Pompe, dans la maison de santé. On commencerait l’hydrothérapie tout doucement, avec beaucoup de précaution, en suivant le cours du progrès qui paraissait venir. Lorsqu’on la conduisit à sa voiture, elle défaillit, sa tête abattue sur l’épaule d’Altesse qui fût frappée du changement survenu en si peu de temps. À la lumière crue du dehors, son visage émacié, tiré, semblait une figurine d’ivoire jauni ; la finesse de ses traits amaigris ressortait encore plus, étrangement idéalisée. Elle revint à elle et ferma les yeux, éblouie par le grand jour, puis soutint sa tête de ses mains :

— Il me semble qu’elle s’en va, vois-tu, susurra-t-elle.

Dans l’établissement, les infirmières crurent que c’était une morte qu’on leur apportait. Elle s’habitua vite, se trouvant bien dans ce calme. Altesse venait chaque jour et pour toute la journée. Nhine restait silencieuse et rêvait : mille projets insensés se formaient en son esprit atteint, de voyages lointains,