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IDYLLE SAPHIQUE

Sa voix s’altérait, ses lèvres tremblaient, elle allait fondre en larmes. Altesse en eût pitié, elle l’amena à elle et lui dit simplement :

— Pauvre petite !

Un sanglot lui répondit et l’enfant pleura longtemps, blottie dans l’épaule d’Altesse, charitable et émue, qui l’exhortait, la conseillait et oubliait en cet instant sa vague rancune envers celle qu’elle accusait au fond d’avoir une influence néfaste sur sa chère malade. Elles se séparèrent amies, mues du même désir de vaincre la faiblesse d’Annhine et le mal fatal qui menaçait de la leur ravir.

Comme Henri ne paraissait pas, Tesse s’enquit du motif qui pouvait excuser son absence. Vite elle comprit tout. Au seul nom de son amant, Nhine s’agita, la fièvre s’empara d’elle, elle murmura des mots haineux, incohérents, violents, qui révélèrent en s’échappant le douloureux écœurement de son âme. On ne lui parla plus jamais d’Henri. Elle accepta facilement l’idée de sa réclusion et finit même par la désirer ; les malades ont de ces intuitions. Elle prenait un dégoût de son chez elle, de tout ce qui l’entourait, voulant un changement complet, radical, aspirant à un oubli profond, comme en un espoir de renaître toute entière. Elle s’informa de Flossie, alors on lui dit que cette dernière avait dû partir, retourner en son pays ; on inventa des prétextes, sa famille qui s’était douté de quelque chose et qui avait voulu l’éloigner de Paris. Annhine tomba dans une