Page:Pougy - Idylle saphique, 1901.djvu/303

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
293
IDYLLE SAPHIQUE

— Enceinte ?… Ah ! non, ce n’était pas le cas, hélas ! La grande anémie, le détraquement des nerfs étaient bien l’unique cause de ce retard, fréquent en ces sortes de maladies. L’accident d’aujourd’hui allait encore aggraver son mal… ce serait long, pénible… enfin, tout espoir n’était pas perdu. Il s’interrompit, écoutant ; on appelait au téléphone, on sonnait à la porte, le roulement des voitures faisait un fracas retentissant, il chuchota :

— Et puis, dès qu’elle sera transportable, d’ici douze ou quinze jours, je vous engage à l’emmener ailleurs. Ici, au milieu de tout ce bruit, elle ne pourrait jamais se remettre. Un voyage l’éreinterait aussi, car la période du mal est avancée déjà, des complications sont possibles. Elle a des souffles anémiques très prononcés, des désordres du cœur, un dédoublement des bruits, oh ! rien d’organique, mais tout cela est grave, car ses nerfs sont à bout, en désordre et son tempérament cérébral n’offre aucune résistance. Il lui faudra un traitement particulier : des douches, un régime, je lui conseillerai des piqûres de sérum et peut-être quelques petites choses spéciales, à l’aide de l’électricité. Il faudrait l’interner dans une maison de santé.

Comme elles se récriaient :

— Mais une maison de santé n’est pas ce que vous vous imaginez, c’est le parti le plus sage — sa voix ordonna — et j’ajouterai : c’est le seul ! J’en connais une très bien à Passy, on y est parfaitement soigné