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IDYLLE SAPHIQUE

commet de pareilles maladresses ! Monstre aveugle et sans pitié, bête sauvage, tu n’es donc dirigé par aucun dieu !… Ah ! pour satisfaire ses besoins de mâle, l’homme sacrifie vraiment tout sentiment humain !… Pour accorder une minute de joie à son égoïste plaisir, il risque sans remords d’engendrer des misères infinies !…

— C’est vrai, répondit Nhine abattue, et celle qu’il a daigné choisir pour cela, il prétend l’aimer ! Puis ensuite il s’absout presque toujours de toute responsabilité envers tous deux. C’est lui qui a fait les lois, il peut se sauver.

— Ils délaissent, très honorablement, une femme et un enfant, puis ils s’en vont crier : c’est hors nature, c’est répugnant, les femmes qui s’aiment entre elles ! Tous les imbéciles — ils sont légion ! — qui les écoutent, sans raisonner répètent ce refrain et le monde entier vibre d’injustice et d’inhumanité. La Beauté doit se cacher pour échapper au châtiment et les Lesbiennes courbent la tête, comme si leur douce union était un crime, car c’est un crime d’oser avoir une opinion contraire à celle de la masse ! Il faut se soumettre et apprendre à taire, à cacher ce qui est sublime et au-delà de l’ordinaire compréhension !

Dans l’emportement de sa véhémence, Flossie en oubliait le motif. Un soupir étouffé d’Annhine la rappela aux tristesses poignantes de la réalité. Elle vint à elle :

— Mais je veux t’aider… je veux…