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IDYLLE SAPHIQUE

offerte, c’était le Baiser ; puis mille autres tableaux du même genre… la Vénus du Corrége, par exemple. Non, en ce triste matin, c’était tout autre chose ; pâle, défaite, les épaules tombantes, le torse affaissé, les yeux cerclés de mauve, elle s’examinait curieusement et presque avec inquiétude. C’est qu’il ne s’agissait pas de rire !… Non !… On était à la fin d’avril, ça faisait un peu plus d’un mois que… oui, justement, bientôt deux mois… Le changement d’air, l’anémie, la faiblesse nerveuse, tout cela réuni peut bien empêcher le retour de cette chose naturelle qui vient vous rassurer en vous renouvelant le sang. Son sourcil se fronça, elle serra les dents et devint livide. Son regard s’abaissa ; il lui semblait apercevoir déjà comme un léger renflement qui se dessinait un peu, là… mais oui, on le voyait qui bombait imperceptiblement l’impeccabilité de son ventre poli et lisse… Ah ! par exemple !…

— Oh ! la polissonne !… la polissonne !…

Et le minois ébouriffé de Miss Florence apparût dans l’entrebâillement de la porte.

Sans interrompre sa recherche, Annhine l’appela ; sa voix était sèche, dure :

— Viens, Flossie, viens !… Regarde !…

L’enfant s’approcha, inquiète. À son aspect de terreur craintive, Annhine se radoucit :

— Ah ! ma chérie, nous payons la tranquillité de ces derniers jours par un terrible réveil. Je ne t’avais rien dit encore, mais je ne puis plus faire taire mes