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IDYLLE SAPHIQUE

— Que tu me grises, Flossie, et que ton amour me grise !… J’entrevois tant de joies !…

Annhine pâlissait et se crispait toute. Un désir subit, violent, impérieux, la pénétrait, et la brûlait. Elle s’abandonnait à l’étreinte de son amie, frémissante, souhaitant l’extase infinie, brutale, qui calmerait enfin ses nerfs tordus, apaiserait ses ardeurs exaspérées. Elles se trouvaient à sa porte.

— Viens-tu ?… Oui, entre, ah ! ne retardons plus, puisque mon âme a compris ton âme et que mes lèvres veulent les tiennes !…

Et Flossie la suivit.

À la vue de sa chambre et de son lit défait, tous les pénibles souvenirs l’accablèrent subitement :

— Non, pas encore, pas ici, pas ainsi, je veux rester ta fiancée… va-t’en… pars, éloigne toi vite, si tu me comprends.

Presque pieusement et sans chercher à dissimuler les larmes qui lui montaient aux yeux, l’enfant se retira.

Annhine restait debout, immobile, haletante, puis, lorsqu’elle se trouva seule dans l’obscurité de la chambre elle éclata en sanglots brusquement et se roula, comme une bête, à plat ventre sur le tapis, mordant les laines pour s’empêcher de crier, heurtant avec violence sa tête contre les meubles, en une crise soudaine, balbutiant des paroles sans suite, incompréhensibles où revenait le nom de Flossie :