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IDYLLE SAPHIQUE

Puis, contemplant la Lune qui semblait les regarder, elle s’adressa à elle :

— Paradis des âmes endolories, des douces Lesbiennes, des incomprises, de toutes celles qui veulent renoncer au vil esclavage de l’Amour naturel, laisse nous remonter vers toi, nous égarer en le brouillard de tes rayons, cueillir avec des doigts de nacre tes étranges lys d’argent !… Laisse-nous étreindre nos plus éphémères désirs, vivre toute la beauté de nos rêves, frôlant de baisers fantômes, de baisers intarissables, les lèvres de nos plus folles chimères !…

— J’écoute les caresses de ta voix et la voix de tes caresses dit Nhine qui se laissait aller au charme de cette double volupté. Tu m’attires complètement, mais tes baisers ne sont nullement fantômes !… Ce ne sont pas là les caresses des pâles amantes des lointains lumineux, Flossie !

— C’est pour attendre !… dit Flossie interrompant ainsi la frénésie de ses désirs. Ma Nhine !… ma souveraine, ma fiancée !… Oui, ma fiancée, le veux-tu ?… Tes frissons sont de timides promesses, des promesses que tu seras à moi, toute à moi ! Je te ferai connaître un autre amour, comme une religion du corps, dont les baisers sont les prières. Quand tu auras envie d’être ma fleur, tu me laisseras t’aspirer, et, quand nous serons d’humeur plus élevée, tu viendras briller dans mon ciel, tu feras descendre sur moi et dans mon cœur une clarté célestement tranquille et divine, ô mon Étoile.