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IDYLLE SAPHIQUE

ments, la Subtile, et que je plains les pauvres êtres qui sont si courbés vers la terre qu’ils ne peuvent l’avoir !… Défais tes cheveux… Ah ! Nhine ! quelle forêt de lumière ! Si je ne croyais pas qu’un jour tu seras à moi, sais-tu ce que je ferais ? Je les enroulerais ainsi autour de ton petit cou et les serrant imperceptiblement je t’étranglerais. Ils t’étoufferaient si câlinement que tu mourrais presque sans le savoir… Puis, lorsque tu serais bien morte, je déferais ces cordes de soie et je les tisserais avec un des rayons de la fatidique Tanit qui te remonterait, ainsi attachée, vers ton pays natal… Alors mon amour n’ayant plus rien qui le retienne ici-bas déploiera ses ailes, et je te suivrai. Les pâles enfants de la pâle planète viendront s’attendrir de ta beauté sans vie et me donneront leurs lucides conseils afin de te ranimer. Je mêlerai les feux opalins de mon corps à ta blancheur morte, je t’initierai à la caresse des doigts qui se traînent languissamment sur les fronts appâlis. Peu à peu ta chair reprendra sa transparence de nacre et, à travers, on verra resplendir la tiède lueur de ton âme en éveil extasié. Les vierges de la Lune accourront sous le charme alliciant de notre mystique amour pour t’offrir de régner sur leur morbide royaume. En prêtresse souveraine tu glisseras, lente et souple, et je me prosternerai devant tes pieds nus qui s’harmoniseront en éblouissement avec le limpide cristal dont est faite la lumineuse sphère !…