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IDYLLE SAPHIQUE

traversèrent le bois, heureuses de leur solitude et de cette fraîcheur qui les enveloppait.

Sous les ombrages du Vésinet, elles voulurent marcher et descendirent, puis Nhine dit :

— Non, faisons-nous conduire très vite à l’entrée de la forêt de Saint-Germain.

Lorsqu’elles furent rassises, elle interrogea :

— Dis-moi, Flossie, mon doux cœur, dis moi, parle moi de cela… de toi… je veux savoir si tu as eu beaucoup d’amantes, et la première, et comment, et pourquoi. Le développement de cette idée dans ta tête d’enfant, c’est d’une perversité bien au-dessus de ton âge, à moins que ce ne soit instinctif alors, car ce vice vient généralement à celles qui sont lassées d’autre chose.

Flossie répondit :

— Il y en a qui s’égarent en mille sentiers avant de trouver la vraie voie, d’autres ont un bon ange qui les guident, et, ayant trouvé un paradis en accordance avec leur individualité elles y restent. Moi, j’ai toujours préféré ce qui est joli, tendre, délicat et fragile, comment n’aurais-je pas aimé les femmes, ces fleurs de lumière, ces fleurs qui ont des âmes et tant d’autres exquises choses aussi. Leurs frissons de lyre éveillés par la musique caressante d’un mot, leurs mots d’extase éveillés par l’harmonie d’une caresse !… Te dire la couleur et la forme de celles qui ont pu fleurir dans le jardin de mon cœur ?… Darling, je ne le puis !… Le parfum de ta