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IDYLLE SAPHIQUE

ce n’est pas une raison pour être malhonnête… c’est cela, un mot, un mot seulement, car tout nous sépare, sa vie, la mienne… la mienne surtout !

Elle pensait à tout ce qui était venu se mettre entre elles deux depuis que leur idylle s’était si fatalement interrompue… — Oui, je vais lui dire cela, afin qu’elle comprenne bien, que nous ne sommes pas faites l’une et l’autre pour une union de bonheur ! — Selon son habitude, elle se laissa aller à dire ainsi plus qu’elle ne voulait :

Remercie-moi de ne point t’appeler vers la Forme qui sert d’enveloppe à l’Esprit que je suis. Il pense à toi et ne te quitte guère et se plaît auprès de toi. Le reste ne peut rien te donner, ni t’apprendre, non plus que tressaillir pour toi. Alors, à quoi bon nous revoir ?… Toi qui fus, tu ne dois plus me revenir…

Pourquoi tes lèvres ont-elles prononcé des mots irrémissibles ? Pourquoi la douceur de ton Être règne-t-elle seulement et souverainement dans ta chevelure ? Je voulais un nid de ta suave blondeur, un repos, de la tendresse, du velours auprès de toi, de la tranquillité, de la clarté, un bain d’oubli et de régénérescence ; au lieu de cela tu m’as replongée plus avant dans mes ténèbres et dans mon amertume. Le sort nous a été fatal…

Tes cheveux, Floss, et le charme de ton esprit, le choix ensorcelant de tes mots, l’émerveillement de tes pensées, oui, mais plus jamais tes lèvres, plus le moindre contact de nos corps. À travers tout et à jamais — si comme moi tu le veux — cette union qu’on ne pourra nous prendre, ni comprendre peut-être, me donnera — et à toi — les