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IDYLLE SAPHIQUE

triomphalement le reluisant trophée tout en haut de sa canne.

— Vraiment ?… eh bien ! tu vas voir ça, grommelait Nhine, tandis que l’équipage s’éloignait.

Elle se pencha et cria au cocher :

— Émile, filez vite, vite, faites des détours, perdez-les et rentrez chez Madame d’abord, ensuite à la maison.

Elle retomba sur les coussins, éreintée, mais cette soirée l’avait bien fait rire ! C’était drôle au moins, et pas ordinaire. En avaient-elles, des amoureux ?

— Tu vois, Tesse, on aurait pu faire ses frais ! Je me croirai jolie pour trois mois, maintenant.

— Oui, dit Altesse, ça c’est un vrai succès. Dans ce monde où nous vivons, il en est tant qui observent d’abord les chevaux, puis la toilette, avant de regarder la femme, d’où il en résulte que tu vois tant de laiderons rouler carrosse, c’est là l’inévitable bêtise des hommes, l’entraînement des moutons de Panurge.

— C’est ce que je me dis chaque fois que je rencontre Jane Dubois, répondit Nhine.

Tesse reprit :

— L’ouvrier, l’homme du peuple a le goût sincère, naturel, tu auras beau te pavaner en des atours tapageurs et somptueux, si tu es laide, peinte, difforme, ils te crieront spontanément : Qué gueule !… Va donc, eh ! guenon, trumeau, chameau !… alors que le prince de X… ou le comte de Z… s’inclineront très bas devant la Hideur veinarde d’un luxe royalement