Page:Pougy - Idylle saphique, 1901.djvu/261

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
251
IDYLLE SAPHIQUE

— Non, tiens, voilà le nouveau jeu, les automobiles.

Elle enfourcha un tricycle, Tesse se plaça derrière dans la voiture, et elles tournèrent, emportées et radieuses.

— Mal au cœur, Tesse ?

— Non, je m’amuse énormément !

— Et moi donc !

Après cinq ou six tours, elles se préparaient à descendre, mais le patron s’approcha et leur offrit de rester sans payer tant qu’elles voudraient ; elles étaient si gentilles, ça lui attirait des clients, des petites gonzesses pareilles. Elles se consultèrent, puis trouvant la chose peu banale de rigoler à l’œil, elles restèrent. À leur sortie, elles furent suivies par un tas d’hommes qui les avaient reluquées. Altesse avait un peu peur : peut-être les aurait-on reconnues ?… Ils marquaient bien mal, ces gens-là ! Elle serrait le bras de Nhine qui, joyeuse, souriait à tout le monde, parlant fort, voulant s’encanailler pour de bon. Un jeune, en blouse bleue et casquette, un ouvrier sans doute, les accosta, plus hardi :

— Tu es rudement bath[1] ! lui dit-il en lui donnant un grand coup de coude.

Elle le toisa :

— Toi aussi !

— Veux-tu boire un verre ?

— C’est pas de refus…

Ils s’assirent à un café :

  1. Chic, jolie.