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IDYLLE SAPHIQUE

antique vitrail, et si vaguement vaporeuse qu’on aurait craint une clarté soudaine, un brusque éclat de voix qui l’eussent fait disparaître au regard, rompant le charme intense de ce silencieux crépuscule.

Maurice en eût la sensation si vive qu’il s’agenouilla près d’elle, la contemplant sans oser parler, puis il chuchota presque religieusement des mots sans suite, très simples cependant, les mêmes toujours, ceux que l’on dit ou que l’on chante ou que l’on rêve dès la première chaleur d’amour.

Annhine l’écoutait, tendre, recueillie, quelque chose la prenait, dans cette adoration d’un enfant ainsi agenouillé à ses pieds, en prière, en ferveur. Il désira partir sous cette impression de voluptueuse langueur. En se relevant, il effleura le front de Nhine, chastement, purement.

Elle tressaillit et l’appela :

— Maurice ?

Il répondit :

— Nhine ?

— Maurice, dit-elle d’une voix prenante, je te sens si autre que tous, il me semble que je t’aimerai… si tu le veux.

— Si je le veux !…

Enhardi par ces mots affolants, il vint à elle et la prit dans ses bras. Sa réponse fut un long baiser sans fin, ardent, presque farouche. Annhine s’abandonna, heureuse, émue, en désir…